Biographie d’Inès Lyautey
La Maréchale Inès Lyautey
(1862-1953)
Inès Lyautey, née Inès de Bourgoing, a consacré sa vie aux autres. Après être devenue la veuve du capitaine Joseph Fortoul avec qui elle a eu 3 enfants, elle est devenue infirmière. À l’occasion d’une mission au Maroc, elle rencontre Hubert Lyautey. Elle devient « son meilleur collaborateur » selon les mots du futur Maréchal.
La vie d’Inès fut celle d’une femme profondément altruiste, et mérite d’être connue.
Inès de Bourgoing naît à Paris, le 5 janvier.
Son père, le baron Philippe de Bourgoing (1827-1882), d’une vieille famille du Nivernais, fut, comme officier, le grand écuyer de Napoléon III avant de devenir Inspecteur du Service des Haras. Il sera élu cinq fois député de la Nièvre.
Sa mère, Anne-Marie Dollfus (1837-1917), était d’une ancienne famille noble de la République de Mulhouse, rattachée à la France en 1798. Elle était la petite fille de Johannès Dollfus, dernier bourgmestre de cette ville libre. Dame d’honneur de l’Impératrice Eugénie, elle lui demanda, à la naissance d’Inès, la faveur d’être la marraine de l’enfant dont le frère aîné a été l’aide de camp du Maréchal Canrobert.
Inès, élevée aux Tuileries, reçut l’éducation très stricte des jeunes filles destinées aux cérémonies de la cour. Elle en gardera le sens du devoir qui fait passer au second plan les problèmes personnels et une faculté d’adaptation face aux situations les plus variées et les plus délicates.
Alors âgée de 18 ans, elle épouse le capitaine d’artillerie Joseph Fortoul, fils du ministre de l’Instruction publique et des Cultes de Napoléon III. Ce jeune officier, entré à l’École Polytechnique en 1867, avait combattu pendant la guerre de 1870, puis avait fait partie de la mission envoyée au Japon pour organiser la nouvelle armée du Mikado. Le temps de suivre à Paris les cours de l’École Supérieure de Guerre, d’épouser Inès de Bourgoing, et il partait en Indochine d’où il revient grièvement blessé.
Inès Fortoul donne naissance à Antoine, leur premier fils. Suivront Mathieu (1882) et Victoire (1886).
Victoire, fille d’Inès et Joseph Fortoul, décède à l’âge de 20 mois.
Elle devient veuve du colonel Fortoul, décédé subitement le 1er octobre alors qu’il commandait le 3e régiment d’Artillerie à Castres. À 39 ans, Inès Fortoul se retrouve veuve avec ses deux fils, Antoine (1881-1963), aspirant de marine participe à la guerre des Boxers en Chine, et Mathieu (1882-1969), sur le point d’entrer à l’École de Cavalerie de Saumur, sert au 3ème Dragons à Nantes.
Portée vers le service des autres, elle va désormais leur consacrer tout son temps. Elle songe à aller soulager la misère dans les colonies, mais il lui faut une formation et une expérience. Aussi décide-t-elle de suivre des cours d’infirmières.
Elle obtient son diplôme d’infirmières. Elle entre à la Société de Secours aux Blessés Militaires (S.S.B.M.), composée uniquement de bénévoles. Après quelques années de service à l’hôpital Beaujon, à Paris, un champ d‘action répondant à son attente et à son besoin d’action va s’offrir à elle.
Elle initie au début du siècle des actions qui, dans le domaine humanitaire et social, ont devancé des actions plus structurées du type ‘Infirmières sans frontières”.
En août, le détachement du Général Drude a débarqué au Maroc et se maintient difficilement à Casablanca. Dans le domaine sanitaire, tout est à faire. Madame Fortoul, devenue infirmière-major, part à la tête d’une équipe d’infirmières volontaires expédiée en hâte par la S.S.B.M. Les conditions de vie et de travail sont précaires et le service est particulièrement dur.
Comme il est difficile de les soigner à Casablanca, les blessés et malades graves sont évacués par la marine nationale et accompagnés par des infirmières jusqu’à Oran, où le Général Lyautey commande la Division. Celui-ci, envoyé en mission au Maroc en octobre, accepte de prendre à bord du torpilleur qui l’emmène trois de ces infirmières. C’est au cours de la traversée qu’il fait la connaissance d’Inès de Bourgoing, de neuf ans sa cadette.
Inès, à peine rentrée en France, repart à la tête d’une équipe à Messine où le 28 décembre 1908 un tremblement de terre a enseveli sous les décombres plus de 80.000 habitants. Leur dévouement et leur compétence font l’admiration du corps de santé italien et leur valent décorations et reconnaissance émue de la Reine et de la Duchesse d’Aoste (princesse Hélène d’Orléans).
Mariage à Paris, le 14 octobre, avec le Général Hubert Lyautey. Son champ d’activités se trouve élargi. Épouse dévouée autant que femme d’action, elle a harmonieusement complété au Maroc l’œuvre du Résident Général, qui disait volontiers qu’elle était “son meilleur collaborateur”. Ils rejoignent ensemble l’Algérie où le Général commande toujours la Division d’Oran.
En mars, Hubert Lyautey est promu Résident Général de France, le premier nommé au Maroc, après la signature du traité de Fès, dit aussi traité de protectorat. Inès et lui, en parfaite harmonie, vont marquer l’évolution et le développement de ce pays d’une empreinte indélébile.
Au Maroc, le nom de la Maréchale Lyautey demeurera indissolublement lié à la création et à l’organisation de la majorité des œuvres d’assistance à l’enfance : gouttes de lait, pouponnières, crèches, orphelinats, jardins de soleil. La « Maternité Maréchale Lyautey », première maternité du Maroc comprend aussi pouponnière, crèche, garderie, goutte de lait et consultation infantile, un modèle du genre qui a conquis d’éminents maitres de la puériculture français et étrangers. C’est à la Maréchale Lyautey que l’on doit aussi les premiers dispensaires antituberculeux, les premières colonies de vacances du Maroc ainsi que les écoles d’infirmières.
Son œuvre sociale ne se limite pas à l’enfance. Fille, femme et mère de militaires, c’est sur la troupe que se penche aussi sa sollicitude, singulièrement sur les Tirailleurs et Spahis marocains et sur la Légion Étrangère. Avec l’aide de la Croix-Rouge, elle fonde la Maison de convalescence de Salé, près de Rabat, aussi plaisante que confortable, destinée aux légionnaires et soldats convalescents privés de famille. En complément, elle leur crée, à la Balme-les-Grottes dans l’Isère, une maison de retraite. Elle reçut le titre envié et peu courant de « Caporal honoraire de la Légion Étrangère ».
Elle rentre avec le Maréchal en octobre. Ils sont tantôt dans leur château à Thorey où ils ont fait construire pour le village un dispensaire familial et une maison pour les jeunes, véritable MJC avant la lettre, tantôt à Paris.
Elle devient Présidente du Comité Central des Dames de la Croix Rouge Française.
Le Maréchal Lyautey décède le 27 juillet. Après sa mort, elle partage sa vie entre la France et le Maroc en continuant à faire preuve d’un légendaire dévouement. À Paris, la Maréchale s’intéresse au sort des Marocains, étudiants en particulier, à la vie de l’institut musulman de la Mosquée de Paris, aux malades de l’Hôpital musulman de Bobigny. Au Maroc, elle prend part aux travaux de la C.R.F. présidant les Assemblées générales de tous les Comités aux œuvres, aux initiatives desquelles elle ne cesse de s’intéresser.
Elle résilie ses lourdes fonctions à la tête de la Croix Rouge Française pour pouvoir se rendre plus souvent au Maroc.
Alors âgée de presque 78 ans, Madame Lyautey assume, dès la mobilisation, la direction du service de 300 lits pour les grands blessés de la tête et la moëlle à l’hôpital militaire de l’Asnée à Nancy, où le professeur Fontaine, médecin-chef, devait dire : « Je considère comme un honneur tout particulier et comme une des plus grandes satisfactions de ma carrière chirurgicale d’avoir eu la joie de pouvoir compter sur une aussi précieuse collaboration ».
En juin, l’armistice est signée. Inès Lyautey n’oublie pas « ses chers Marocains », organisant des collectes pour que leurs prisonniers de guerre reçoivent des colis et réconfortant les familles au Maroc où elle se rend régulièrement.
En novembre, les troupes allemandes envahissent la zone libre et Inès Lyautey est bloquée en France.
Elle pense toujours aux combattants nord-africains et crée à Paris plusieurs œuvres destinées à leur venir en aide, en particulier des foyers où les blessés, les convalescents, les évadés de captivité sont assurés de trouver accueil, aide matérielle et caches pour échapper à l’occupant allemand.
Au plus fort de l’hiver 1944-45, la Maréchale Lyautey n’hésite pas à se rendre dans les Vosges pour apporter aux troupes de la 2ème Division d’Infanterie Marocaine (tirailleurs, spahis, goumiers) qui livrent de rudes combats au sein de la l’ère Armée Française son réconfort et ses encouragements
La Libération de la France et la Victoire de mai 1945 lui permettent de retourner régulièrement passer plusieurs mois par an au Maroc où elle continue malgré son grand âge, à se dévouer pour « servir ».
La Maréchale Lyautey décède à Casablanca le 9 février à la suite d’un de ces accidents que l’âge ne permet guère de réparer. Elle venait d’avoir 91 ans. Ses obsèques durent deux jours. Le 11 février 1953, la foule à Casablanca est considérable. Le 12 février, Inès Lyautey est inhumée au mausolée de Rabat aux côtés de son mari le Maréchal Lyautey, décédé 19 ans plus tôt. Un éloge funèbre est prononcé par Édouard Bonnefous, Ministre d’État.
Lorsque la dépouille du Maréchal est transférée à Paris sous le Dôme des Invalides le 10 mai, elle est inhumée au cimetière du village de Thorey – devenu à la demande de ses habitants Thorey-Lyautey pour conserver le souvenir du Maréchal Hubert Lyautey et de son épouse Inès Lyautey née de Bourgoing qui, chacun dans leur domaine, ont marqué le XXème siècle.
Lors du rachat aux enchères publiques, par la Fondation Lyautey, du contenu du château de Thorey-Lyautey pour en faire un lieu de mémoire porteur d’un message, aucun meuble, objet, souvenir de Madame Lyautey n’est présenté à la vente. On ignorait tout ou presque de son parcours car, parmi les nombreuses biographies (plus de cinquante) consacrées jusqu’alors au Maréchal Lyautey, il est rarement fait mention de son épouse Inès, et encore ! …. En quelques lignes seulement. Ainsi, après des recherches pour disposer d’éléments historiques et photographiques, il est apparu indispensable de créer un espace dédié au souvenir d’Inès Lyautey tant son parcours est exceptionnel, comme sa discrétion.
Présidente du Comité central des dames de la Croix Rouge Française, la filleule de l’Impératrice Eugénie, Inès de Bourgoing devenue la Maréchale Inès Lyautey, fut la première femme à être élevée au grade de Grand Officier de la Légion d’Honneur pour récompenser son œuvre sociale, ainsi qu’au grade de Grand Officier de l’Ordre du Ouissam Alaouite en reconnaissance de son œuvre au Maroc.
Voir la bibliographie de Mme Lyautey