Une amitié solide entre France et Maroc qui survit à Lyautey

Comment l’amitié entre la France et le Maroc s’est renforcée grâce au Maréchal, et a perpétué après son décès en 1934

L’amitié franco-marocaine a continué de vivre au-delà du Maréchal.

Identifié comme un visionnaire, le Maréchal Lyautey fut forcé de quitter le Maroc, avant de décéder quelques années plus tard. Pourtant, son œuvre a laissé des traces.

On sait dans quelles conditions humiliantes, le « Cartel des gauches » a évincé Lyautey, l’acculant à la démission. Après des adieux émouvants, il quitte le Maroc le 10 octobre 1925.

Sitôt son départ, certains vont s’employer à « détricotter » ce qu’il avait conçu et réalisé pour le bien du Maroc et de ce peuple qu’il a tant aimé.


Vestiges de Lyautey au Maroc, le témoignage d’un exilé

SM le Roi Hassan II, qui a subi l’exil de la famille royale du 20 août 1953 au 16 novembre 1955, a pu écrire dans « Le Défi »(Ed. Albin Michel, 1976) sa vision de ce qui restait du passage de Lyautey à ce moment-là :

« En réalité, dès 1925, le résident Steeg avait placé ses créatures dans la haute administration avec pour mission de faire du Maroc une colonie.
Dès 1930, de la conception du protectorat imaginée par Lyautey en 1920 : libre discussion, collaboration étroite entre Marocains et Européens, création de cadres communs, émancipation, etc, il ne restait pratiquement plus rien. » Page 22 du livre « Le défi »


« C’est après le départ du Maréchal Lyautey que les difficultés se sont multipliées à cause de l’obstination, parfois de l’impéritie, des fonctionnaires de la Résidence Générale, mis en condition par une certaine population française. » Page 24 du livre « Le défi »

SM le Roi Hassan II, « Le défi »

Dans ce même livre, le Souverain du Maroc évoque Lyautey visionnaire des relations à instaurer avec le Maghreb (pages 123 et 124) : 

« Le présent et l’avenir d’un pays sont solidaires de son passé. On connaît seulement une partie du nôtre, qui eut été bien différent si les larges vus du Maréchal Lyautey avaient été comprises à Paris.      
La France, selon Lyautey, devait s’engager hardiment dans une politique amicale, non seulement avec les pays du Maghreb, mais avec tous les peuples arabes et islamiques dont il semblait pressentir le réveil, ou plutôt la renaissance. Immédiatement après la Première Guerre mondiale, le Maroc souverain devait constituer une des pièces maîtresses de l’œuvre nouvelle que le Quai d’Orsay devait entreprendre et mener à bonne fin. De l’avis même du Résident Général, une telle politique ne pouvait réussir qu’à deux conditions :
1° Modernisation du Maroc souverain, grâce à un développement parallèle franco-marocain.      
2° Accession du Maroc modernisé et souverain à une indépendance progressive, organisée, afin que la politique méditerranéenne et proche-orientale de la France put s’appuyer sur une nation forte et libre, placée à la charnière de la vieille Europe et des peuples maghrébins et africains.      
Hubert Lyautey exposa très précisément cette conception aux présidents Poincaré et Leygues, de 1920 à 1923 : l’existence d’un Maroc nationalement faible, colonisé, vivant sous la contrainte d’une occupation économique et militaire protégée par de vastes opérations de police, était contraire à la raison et au simple bon sens. Par conséquent à la politique française en Afrique. 
Telles étaient les vues de Lyautey. Mais cet esprit, on l’a vu souffla de moins en moins à Rabat de 1925 à 1930 et « l’affaire marocaine » devint bientôt pour nos protecteurs une excellente « affaire coloniale ». À Rabat, il était assurément plus facile de s’en tenir à la routine, à cette politique « à la petite semaine » qui donne aux plus avisés de si grands bénéfices. »

Ce qui s’est passé au Maroc après le départ de Lyautey – dont la succession, il est vrai, était difficile à assurer – ne pouvait que faciliter l’amalgame : abandon de la politique des contacts, pratique de l’administration directe, dahir berbère, sans compter la politique « politicienne » des différents gouvernements français qui ont paralysé les meilleurs résidents, quand ils n’ont pas nommé des incapables, ce que Lyautey avait prévu et énoncé en ces termes : 

« Beaucoup de fausses directions ont parmi leurs causes l’inaptitude des hommes arrivés au haut des hiérarchies, à comprendre, à connaître même les états d’âme des générations qui montent, et de ne pas tenir compte des inévitables évolutions. »


Je veux nous faire aimer de ce peuple.

Hubert Lyautey

Il y est arrivé et de façon durable, puisque, malgré les erreurs commises, contraires aux vues du visionnaire qu’était Lyautey, l’amitié franco-marocaine a permis de surmonter les difficultés de parcours.