Lyautey et la Fondation, Mai et Juillet 2022
Célébrations de Lyautey à Casablanca et Rabat
Plusieurs évènements « Lyautey » ont été organisés lors des Journées du patrimoine de Casablanca en mai 2022 avec un auditoire attentif et intéressé :
– une conférence par Serge Mucetti, Consul Général de France, sur la statue équestre de Lyautey dans les salons du Consulat le 12 mai,
– une déambulation le 13 mai, organisée par le Consulat Général avec le soutien des guides de Casamémoire à partir de Bab El Marsa, célébrant le 110ème anniversaire de l’arrivée de Lyautey à Casablanca. « La porte de la marine » donne encore de nos jours accès à la pittoresque médina.
Centenaire du lycée Lyautey
Le lycée Lyautey de Casablanca, principal lycée français dans le monde (8600 élèves), a commémoré son centenaire le 13 mai 2022. Chaque année, nombre de ses élèves intègrent nos grandes écoles. Mohamed Berrada, ancien ministre des Finances et ancien ambassadeur du Royaume du Maroc à Paris, Ahmed Mernissi, Président de l’Association des anciens élèves (plus de 30 000), Olivier Brochet, directeur général de l’AEFE (agence pour l’enseignement français à l’étranger) et Serge Mucetti, consul général de France à Casablanca sont intervenus au cours des cérémonies qui ont été suivies d’un diner de gala où notre Fondation a été citée plusieurs fois. Hélène Le Gal, ambassadrice de France au Maroc, était présente au diner.
Canonisation de Foucauld
Le 15 mai, jour de la canonisation de Charles de Foucauld, une messe a été célébrée à l’église de Mohammedia. Claude Jamati, Alain Vauthier et Serge Mucetti représentaient la Fondation.
Discours de Serge Mucetti pour l’occasion
« A Rome, en ce moment même, se déroule la messe de canonisation de Saint Charles de Foucauld. Avec le Père Julien, il nous a paru approprié de célébrer cet événement de façon quasi-simultanée, pour rendre hommage à celui qui a marqué de son empreinte indélébile nombre d’esprits, tant en France qu’au Maroc.
Après avoir mené la vie brillante et dissolue d’un jeune aristocrate, officier de cavalerie, fortuné, Charles de Foucauld avait trouvé le chemin de la foi et de l’anéantissement dans le service des plus pauvres, dans un dénuement recherché avec ferveur, marchant, sans le savoir encore, vers un martyre qu’il aurait ardemment désiré s’il n’avait pas eu crainte qu’on y décèle une marque d’orgueil.
Je ferai, à mon tour, preuve d’humilité en m’effaçant devant le jugement d’un autre cavalier auquel il leur aura suffi de cinq rencontres, pour bâtir avec ce saint du désert, une relation pétrie d’admiration et de respect mutuel.
Lyautey s’en souviendra lorsque le 30 décembre 1922, il y aura bientôt cent ans, il inaugurera le monument érigé à la mémoire de Charles de Foucauld, monument que nous venons de retrouver et de faire dégager dans le parc de la Ligue arabe.
Des mots qu’il prononça alors, j’ai retenu deux passages que je vous livre :
« C’était en 1903. Je venais de prendre le commandement du Sud-Oranais à Aïn-Sefra. J’avais connu Foucauld vingt ans auparavant, Il était alors lieutenant de houzards dans la province de Constantine, et moi à Alger… Et, mon Dieu, nous étions tous les deux lieutenants de houzards. Et il était-un joyeux compagnon.
J’avais eu ensuite, au loin, en Extrême-Orient, à Madagascar, de vagues échos du changement de sa vie. Mais, en débarquant sur le sol d’Afrique, je venais de m’initier à ses admirables travaux, à son livre, et j’avais appris ce qu’il était devenu. Nous ne nous étions jamais revus. J’étais à peine depuis quelques jours à mon commandement quand le Père de Foucauld y passa, venant du Sud. Il resta trois jours à Aïn-Sefra, voulant bien accepter d’être mon hôte, partageant notre table dont les convives étaient (…), tous gais compagnons, pleins d’entrain, Certes, nous ne nous lassions pas de faire appel à sa documentation sur le Maroc, sur les problèmes africains. Mais, trois jours durant, on ne peut pas ne parler que d’affaires sérieuses, et, dans la liberté des propos de table, on oubliait parfois que le Père de Foucauld n’était plus le lieutenant de Foucauld. Lui ne semblait nullement s’en formaliser. Il ne se refusait pas à sourire ni à tremper ses lèvres dons la coupe de Champagne placée devant lui. Je le revois même demandant (…) de lui rejouer tel air de piano. Et je me disais, à part moi : « C’est un Saint, c’est entendu, mais, il n’est pas fâché tout de même de se détendre un peu parmi les vieux camarades ». Oui, mais, au moment où il partait, je recevais un télégramme m’annonçant d’Alger la venue d’une caravane de touristes qui arrivait dans une heure. Et je dis à mon ordonnance de se hâter pour tout remettre en ordre dons la chambre du Père de Foucauld. — « Mais, mon général, il n’y a rien à y faire. Il n’a touché à rien. Le lit n’est même pas défait. Pendant les trois nuits, il a couché par terre, sur la dalle, dans son burnous. » — Je compris
alors avec quelle discrétion et quelle réserve il avait tenu avant tout à ce que sa présence à notre table ne gênât personne, mais qu’il jugeait que cette infraction passagère et involontaire à sa règle de vie imposait à sa conscience ce redoublement d’austérité. »
En janvier 1905, le Père de Foucauld vient à peine d’achever de bâtir de ses mains. Lyautey qui vient le voir à Beni-Abbès, raconte :
« C’était un dimanche, et je savais que nous ne pouvions lui faire de plus grande joie que d’assister à sa messe. Cette chapelle était une pauvre masure aux murs de toub, au sol en terre battue. Il y avait là quelques Arabes, venus non pas pour se convertir, — il s’abstenait rigoureusement de toute pression directe à cet égard, — mais attirés par sa sainteté. Et, devant cet autel, qui n’était qu’une table en bois blanc, devant ces vêtements sacerdotaux d’étoffe grossière, ce crucifix et ces chandeliers en étain, devant toute cette misère, mais aussi devant ce prêtre en extase offrant le sacrifice avec une ferveur qui emplissait le lieu de lumière et de foi, nous éprouvâmes tous une émotion religieuse, un sentiment de grandeur que nous n’avions jamais ressentis au même degré dans les cathédrales les plus somptueuses, en face de la pompe des offices solennels.
Par-delà les humbles murs de terre, au-delà de ces quelques musulmans venus spontanément s’associer à la prière, c’était la vision de l’immensité saharienne, de ce Sahara dont les dunes fauves venaient, comme des vagues, battre le seuil même de la chapelle, et sur lequel il régnait vraiment par la force de cette prière, de ses vertus, de son sacrifice, y faisant bénéficier la France de l’amour et du respect qu’il inspirait. »
Lyautey et de Foucauld se verront encore à deux reprises en novembre 1906.
Les deux hommes avaient des vies contrastées mais toutes deux transcendées par l’idéal de servir, l’un son pays, l’autre les plus humbles. L’un avait la passion du commandement, du faste et de l’action, l’autre de l’obéissance absolue à Dieu, de l’humilité et de la prière. L’un était mondain, l’autre était ascète. L’un était flamboyant, l’autre qui débordait de charité écrira : « Désirant être ignorés, méprisés, être un néant aux yeux du monde ; Et si vous êtes à la première place, soyez à la dernière par l’esprit, par humilité, occupez-la en esprit de service, vous disant que vous n’y êtes que pour servir les autres… »
On sait que Lyautey avait très tôt pris ses distances avec la foi chrétienne de sa jeunesse qu’il ne retrouvera que sur le couchant de vie. Nul ne sait si le commerce de Charles de Foucauld a eu une influence sur son parcours spirituel.
Ce qui est certain c’est qu’ils ont partagé une passion pour cette terre d’Afrique du Nord, pour le Maroc qu’ils ont l’un et l’autre parcouru.
L’un était l’égal de Scipion, l’autre était l’Apôtre du Sahara. »
Rencontres à Rabat
Claude Jamati et Alain Vauthier ont mis à profit leur présence sur le sol Chérifien pour tenir des réunions de travail à Rabat avec notamment :
– le Professeur Mohamed Kenbib, directeur de l’Institut Royal pour la Recherche sur l’Histoire du Maroc, située dans l’Académie du Royaume du Maroc,
– Amina Benkhadra, ancienne Ministre de l’Énergie et des Mines et Présidente d’honneur des étudiants marocains de Nancy,
– Jamaâ Baida, Directeur des Archives du Maroc.
Inauguration de la Salle Lyautey au Consulat Général de France à Casablanca
Le 14 juillet, dans le cadre de la célébration de la fête nationale au consulat général de France, était inaugurée la salle Lyautey, pour commémorer le centième anniversaire de la remise du bâton de maréchal par Alexandre Millerand, président de la République, au domicile de Lyautey, 5 rue Bonaparte. Le Maréchal, cloué au lit par une crise hépatique, n’avait pu se rendre à Longchamp pour la cérémonie officielle.
Discours de Serce Mucetti à l’occasion de l’inauguration de la Salle Lyautey
« Après Joffre, Foch (6 août 1918) et Pétain (21 novembre 1918), Lyautey est le quatrième des huit maréchaux de la Grande Guerre.
Il est nommé avec Franchet d’Espérey et Fayolle par trois décrets datés du 19 février 1921, publiés le lendemain au Journal officiel, celui de Lyautey en première position. Suivront, à titre posthume, Gallieni désigné le 7 mai 1921 et Maunoury le 31 mars 1923.
La dignité de maréchal de France qui n’est plus conférée depuis la chute du Second Empire est rétablie durant la Grande guerre, de façon presque théâtrale. Aristide Briand, président du conseil, et Raymond Poincaré, président de la République, la rétablissent en décembre 1916 pour consoler Joffre de son éviction de la fonction de généralissime et de son remplacement par Nivelle. Lyautey est impliqué puisqu’il lui revient, en sa qualité de ministre de la guerre nouvellement nommé, de l’annoncer à Joffre et de contresigner le décret du 26 décembre 1916 qui le crée maréchal de France. Il est ainsi le ministre de la guerre qui a restauré la dignité de maréchal et avec elle la tradition de la remise du bâton de commandement.
Car tout nouveau maréchal reçoit, sauf évidemment s’il est nommé à titre posthume, un bâton de commandement remis par le président de la République.
Nommés en même temps, Lyautey, Franchet d’Espérey et Fayolle doivent, dans cet ordre, recevoir leur bâton de maréchal des mains d’Alexandre Millerand, président de la République, lors de la revue du 14 juillet 1922, à Longchamp. Mais Lyautey est souffrant. Immobilisé par une crise hépatique et ne pouvant se déplacer, il ne peut participer à la cérémonie. C’est donc à son domicile, 5 rue Bonaparte, que, le même jour, il reçoit, alité, son ami Alexandre Millerand, venu lui remettre son bâton de maréchal, comme Lyautey le raconte lui-même : « C’est aussitôt après mon arrivée à Paris, le 7 juillet, que je ressentis la première atteinte sérieuse de l’affection du foie qui devait me frapper si gravement l’année suivante. Je fus immobilisé pendant plusieurs semaines, hors d’état d’aller, le 14 juillet à la Revue de Vincennes pour y recevoir, des mains de M. le Président Millerand, le bâton de Maréchal qu’il voulut bien m’apporter sur mon lit. »
Cette cérémonie insolite qui demeure unique en son genre est décrite par tous les grands organes de presse de l’époque : Le Figaro, Le Gaulois… Voici comment Excelsior la présente le 15 juillet 1922 : « A 15h30, le président de la République, accompagné de M. Maginot, était reçu par Mme la maréchale Lyautey, par M. Piobb, chef-adjoint de cabinet du maréchal, et les membres des cabinets militaire et civil. M. Millerand et le ministre de la guerre, furent conduits dans la chambre du maréchal, et, après quelques mots de félicitations et des souhaits de prompt rétablissement, le président de la République remit au résident général du Maroc, son bâton de maréchal. Peu après, il prenait congé de lui et regagnait l’Elysée. »
Le bâton de maréchal de Lyautey est, avec celui de Fayolle, exposé au Musée de l’armée dans la même vitrine que ceux de Foch, Joffre et Pétain.
En souvenir de cet événement, j’ai décidé de donner le nom de cette salle complètement rénovée, le nom de : « LYAUTEY » et de l’inaugurer aujourd’hui, un siècle jour pour jour après cette cérémonie, en présence de M. Claude Jamati, Président de la Fondation Lyautey que je remercie de sa présence et de m’avoir fait l’honneur de m’accueillir au conseil d’administration de la Fondation.
Le nom de Lyautey est indissociable de Casablanca. Je lui laisserai donc le mot de la fin. Le 14 avril 1921, de retour de France après sa promotion de maréchal de France, remerciant la communauté française
de son accueil, il exprime l’affection qu’il a pour cette ville qu’il a en grande partie créée : « Quelle place tient notre Casablanca dans mes préoccupations et mon affection, il est vraiment superflu de le dire puisque, depuis neuf ans, il ne s’y pose pas un moellon, il ne s’y ouvre pas une voie dont je ne suive la naissance avec, si j’ose dire, un amour paternel. »
Inauguration de la Salle Lyautey consulat général de France Casablanca
SALLE LYAUTEY
INAUGUREE LE 14 JUILLET 2022
PAR M. CLAUDE JAMATI, PRESIDENT DE LA FONDATION LYAUTEY
ET M. SERGE MUCETTI, CONSUL GENERAL DE FRANCE A CASABLANCA
EN MEMOIRE DE LA REMISE DE SON BATON DE MARECHAL PAR M. ALEXANDRE MILLERAND, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
LE 14 JUILLET 1922