Lyautey et sa politique musulmane

Avant d’évoquer les éléments constitutifs de sa politique musulmane, il est bon de rappeler que le Maréchal Lyautey avait voulu reposer au Maroc, en terre d’Islam, et qu’il avait rédigé à l’avance son épitaphe ainsi libellée :

ICI REPOSE LOUIS HUBERT GONZALVE LYAUTEY 

QUI FUT LE PREMIER RÉSIDENT GÉNÉRAL DE FRANCE AU MAROC 1912-1925 

DÉCÈDE DANS LA RELIGION CATHOLIQUE 

DONT IL REÇUT EN PLEINE FOI LES DERNIERS SACREMENTS 

PROFONDÉMENT RESPECTUEUX DES TRADITIONS ANCESTRALES ET DE LA TRADITION MUSULMANE GARDÉE ET PRATIQUÉE PAR LES HABITANTS DU MOGHREB 

AUPRÈS DESQUELS IL A VOULU REPOSER EN CETTE TERRE QU’IL A TANT AIMÉE 

DIEU AIT SON ÂME DANS SA PAIX ÉTERNELLE

Lyautey et la mosquée de Paris

Le Maréchal Lyautey avait été invité à présider le jeudi 19 octobre 1922 la cérémonie du premier coup de pioche des travaux de fondation du mirhab (sanctuaire) de la mosquée de Paris. À cette occasion on put entendre un discours marquant de Lyautey (lire ci-après) dans lequel se dessine la vision de Lyautey sur la place de l’Islam dans les relations franco-musulmanes. 

Quelques mois auparavant, le 1er mars 1922, avait eu lieu la cérémonie au cours de laquelle avait été déterminé l’orientation de la mosquée.

NOTA : Les cérémonies du 1er mars et du 19 octobre 1922 et même celles des 15 et 16 juillet 1926 pour l’inauguration finale de la mosquée de Paris ont souvent été mélangées, voire tronquées par des narrateurs peu soucieux du respect des paroles et des faits historiques et qui ne font qu’un copier/coller du vrai comme du faux sans vérifier les sources.  

Historique succinct de la mosquée de Paris

Le premier projet de construction d’une mosquée à Paris remontait à 1842, dans le quartier Beaujon. Il fut repris dès 1845 par la société des arabisants de France. Périodiquement évoqué (en 1878, en 1885 lors de l’ambassade marocaine, etc …), ce projet fut relancé une nouvelle fois sans succès en 1895 par le Comité de l’Afrique française.

Se référant à cette dernière étude le journaliste Paul Bourdarie n’eut de cesse de faire aboutir le projet de mosquée parisienne qui prit corps au cours de l’été 1915 grâce à l’appui de différentes personnalités.
L’architecte Maurice Tranchant de Lunel travailla sur les plans de la future mosquée. En 1912, Lyautey tout juste arrivé au Maroc comme Résident Général de France l’avait choisi et nommé directeur du service des Beaux-Arts, Antiquités et Monuments historiques qu’il créait et du service spécial de l’architecture. Tranchant de Lunel assumera ces fonctions jusqu’en 1920 avec une interruption de trois ans pour cause de mobilisation et de blessure pendant la guerre 1914-18.

Trois architectes, Tronquois, architecte de la ville de Paris, Eustache, ancien architecte délégué à la ville de Paris et Mantout, architecte du protectorat français au Maroc se sont rendus à Fès, Meknès et Marrakech pour faire des relevés de plans de mosquées et prendre des photographies en 1921. 

Nul doute que Lyautey ait eu à connaître de la concrétisation du projet de mosquée à Paris et s’y soit intéressé, d’autant plus que le Sultan Moulay Youssef y joua un rôle prépondérant
C’est finalement Si Kaddour ben Ghabrit (1868-1954), ministre plénipotentiaire, président de la Société des habous des lieux saints de l’lslam qui réunit les derniers concours nécessaires à la construction de cette mosquée sur un terrain cédé par la Ville de Paris. Sur ce terrain situé dans le 5ème arrondissement à côté du Jardin des Plantes se trouvant l’ancien hôpital de la Pitié. À bien des égards, la mosquée de Paris n’est pas sans rappeler la mosquée Quaraouiyîn de Fès Djedid. 

Lyautey préside le 19 octobre 1922 la cérémonie de début des travaux de la mosquée de Paris

Le 19 octobre 1922, la cérémonie de commencement des travaux du mirhab de la mosquée placée sous la présidence du Maréchal Lyautey, réunit 800 personnes représentant dix pays. Le discours que Lyautey y prononça, en réponse à celui de Si Kaddour ben Ghabrit, est intéressant, car selon ses propres termes, Lyautey y « expose sa conception de la politique religieuse à suivre en pays d’Islam ».  

Comme la majorité des paroles et des écrits de Lyautey, le texte de ce discours reste actuel et peut alimenter bien des réflexions.

Discours du Maréchal Lyautey

Lors de la cérémonie du 19 octobre 1922 marquant le début des travaux de construction du mihrab de la mosquée de Paris


En réponse à ceux qui l’accusaient ou l’accuseraient d’ »islamophilie », il écrit dans une lettre du 21 décembre 1922 : 

Je revendique dans ma sympathie pour l’Islam de n’avoir jamais abdiqué rien de nos origines, de notre intellectualité, de nos traditions de Français.

Inauguration de la mosquée de Paris


     Messieurs,

    Le 1er mars dernier, M. Maurice Colrat, alors Sous-Secrétaire d’État à la Présidence du Conseil, aujourd’hui Ministre de la Justice, présidant la cérémonie de l’orientation de cette mosquée, disait : “Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l’Île de France qu’une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses”.   
    On ne pouvait mieux penser ni mieux dire. Quelle parole ne répond mieux au caractère de la cérémonie d’aujourd’hui.   
    Nous allons voir donner le premier coup de pioche de la fondation du mihrab, vers lequel, dans la mosquée, se tournent les fidèles pour invoquer le Dieu unique. Ce coup de pioche, je ne le donnerai pas moi-même, malgré l’invitation qui m’en a été faite, car j’estime que ce geste, seuls les Musulmans sont qualifiés pour le faire. C’est donc aux représentants des nationalités musulmanes ici présentes que je demanderai d’accomplir cet acte rituel. 
      Mais ce que je voudrais dégager de cette cérémonie, ce sont les raisons profondes, et de notre respect pour une religion qui n’est pas la nôtre, et de notre incontestable sympathie pour l’Islam. Ce que je voudrais, c’est qu’avant tout, les Musulmans ici présents, et par eux tous leurs coreligionnaires, sentent, comme ils l’ont si souvent constaté de ma part au Maroc, le sérieux et la gravité avec lesquels nous nous inclinons devant les manifestations de leur foi religieuse, sentent qu’il ne s’agit pas ici d’un de ces accès de dilettantisme qu’on a vu parfois pousser la curiosité du public parisien vers des cultes exotiques dans un engouement momentané. Non, il s’agit d’une chose profondément noble et haute, comme M. Maurice Colrat l’a si bien exprimé quand il a évoqué, dans les paroles que je citais tout à l’heure, nos Églises en face de votre mosquée.   
    Loin de nous séparer, nos religions, si l’on veut s’élever suffisamment haut pour ne considérer que la communauté d’un sentiment dont elles sont chacune une si noble expression, nous apprennent le respect réciproque de nos convictions. Et si notre sympathie se manifeste ici avec tant de sérieux et de sincérité, c’est qu’elle nous est dictée par un sentiment né de quinze siècles d’hérédité religieuse. 
    Il en est de même pour les Musulmans. 
    Qu’on le sache bien, en effet, et ma longue pratique de l’Islam, mes voyages à travers le monde me permettent d’en témoigner, la France, quelles que soient les convictions philosophiques et les croyances de chacun de nous, reste toujours, aux yeux de la plupart des peuples d’outre-mer, cette « Nation des Francs », leur apparaissant avec la structure traditionnelle que dix siècles d’histoire lui avaient donnée, celle dont les Consuls, naguère encore, quels que fussent le régime politique ou leurs convictions propres, présidaient officiellement la célébration dominicale du culte, identifie avec notre Drapeau dans toutes les “Échelles du Levant”. Elle reste à leurs yeux la pépinière la plus féconde de ces missionnaires qui vont porter de par le monde l’amour et la langue de notre pays : témoin le prestige de ce collège de Beyrouth où, parce qu’aucune pression religieuse n’y était exercée, accourait une jeunesse musulmane d’élite et où, avant notre venue au Maroc, le Grand Vizir, ici présent, avait lui-même fait élever ses fils pour leur donner une culture française. Ce dont il faut bien être pénètre, si l’on veut bien servir la France en pays d’Islam, c’est qu’il n’y suffit pas d’y respecter leur religion, mais aussi les autres, à commencer par celle dans laquelle est né et a grandi notre pays, sans que ce respect exige d’ailleurs la moindre abdication de la liberté de pensée individuelle. De pratiquer ce respect, de comprendre la profondeur et la grandeur de l’esprit religieux, non seulement chez ces peuples, mais partout où on le rencontre, notre force et notre prestige ne peuvent que bénéficier.   
    L’été passé, lorsqu’un groupe de jeunes hommes sortis des collèges franco-musulmans de Fez et de Rabat vint visiter la France, et que je les interrogeai ici sur leurs impressions, je vis qu’une des plus fortes était celle qu’ils avaient ressentie à Marseille, à Notre-Dame de la Garde, en y voyant l’affluence ininterrompue et la ferveur des fidèles de toutes conditions sociales. Ils ne soupçonnaient pas qu’une telle force religieuse subsistât encore en France, et ils en éprouvaient une grande et confiante sympathie.   
    Quand, il y a huit ans, je résolus de créer à Rabat un collège franco-musulman destiné à l’élite de la jeunesse, j’en parlai au préalable au sultan Moulay Youssef, d’abord, parce que c’est mon devoir formel de ne prendre aucune mesure sans lui en avoir référé, et aussi parce que je trouve toujours, chez ce Souverain plein de sagesse, défenseur éclairé de sa foi, veillant avec une clairvoyante sollicitude sur les besoins de son peuple, les avis les plus judicieux. À ma grande surprise, je ne le trouvai pas disposé à entrer dans mes vues. Pensant qu’il ne s’agissait que d’une impression passagère, je revins après quelque temps à la charge, rencontrant encore la même répugnance :
— « Mais enfin, me dit-il, à qui comptez-vous confier la direction de ce collège, à un Français ?»
— « Bien entendu, répondis-je, il n’y a pas encore ici de personnalités indigènes matériellement préparées pour assurer une telle organisation. »
— « Je le comprends bien, mais envisagez-vous quel qu’un ? » 
— « Oui. ». Et je lui nommai un Français arabisant. Son visage s’épanouit et son acquiescement fut immédiat. Je le remerciai de cette preuve de confiance pour l’agent qu’il avait si souvent vu avec moi.
— « Oh I me dit-il, je le connais très bien, je sais qu’il est chrétien, qu’il élève ses enfants dans la même foi et je suis ainsi assure que la foi de nos enfants sera sauvegardée. » 
Or, j’ignorais absolument les convictions religieuses de cet agent, ne m’en étant jamais inquiété, et c’était le Sultan, beaucoup mieux informé que moi, qui me les apprenait. Si je vous raconte ce fait, c’est qu’il me parait significatif entre tous de la ligne à suivre si nous voulons garder le respect et la confiance des peuples d’Islam dont la destinée est associée à la nôtre.
    Notre sympathie pour l’Islam. Elle s’est, certes, vivement manifestée ces temps derniers avec toute la puissance, la force irrésistible des grands courants d’opinion populaire qui, avant tout, dans les démocraties, commandent l’orientation des pouvoirs publics. La clairvoyance, la fermeté, L’action pacificatrice de notre Président du Conseil ont trouvé l’appui et l’approbation de l’immense majorité du pays. Mais, pour instinctif qu’ait pu être cet élan de l’opinion, il a, lui aussi, des causes profondes. La France est, malgré des ébullitions de surface, un pays d’ordre et de tradition. Son effort de reconstitution depuis quatre ans, son labeur, l’effort entre tous de ses admirables campagnes, en témoignent hautement. Si j’ose employer ce mot dont la terminologie politique a déformé le sens, mais qu’il faut prendre ici dans son étymologie, je dirai qu’il est essentiellement conservateur, conservateur de son bien, de sa propriété, de ses traditions ancestrales.   
    Or, si la légende a souvent présenté l’Islam comme avant tout destructeur, anarchique, intolérant, laissez-moi témoigner, avec l’autorité d’un homme qui ne l’a pas observé dans des livres, mais sur place, en Orient comme en Occident, que cette légende, aujourd’hui du moins, est fausse. Et si l’on rappelle une fois de plus les oppressions dont furent victimes des minorités de nationalités et de croyances différentes, reconnaissons qu’hélas, après les années que nous venons de vivre, après ce que nous avons vu de violences sur tant de points du monde, où notre pays est peut-être un des seuls à la charge duquel on ne puisse mettre un acte d’oppression collective, bien peu de nations ont la conscience assez nette pour s’ériger en juges.
    Pour parler d’abord du Maroc, parce que « c’est ma partie », son peuple a, avec le nôtre, de nombreux traits communs. Une bourgeoisie éclairée, pondérée et, faut-il le dire pour compléter l’analogie, aimant les fonctions d’État, mais aussi très soucieuse de tout progrès et avant tout du progrès économique. Une population rurale laborieuse, attachée à son bien, ayant le sens de la culture, ordonnée au point que, débarquant en Chaouïa en 1907, à voir ces champs bien alignés, nettoyés, aux sillons rectilignes, je pouvais me croire en campagne française, —paisible, ayant de la sécurité et de la paix un souci qui, dans la carence de l’autorité, nous fit accueillir en libérateurs par toutes ces populations des plaines constamment violentées par les pillards de la montagne. Ce sont bien là les éléments d’ordre social, bases de toute société organisée. Ces caractères vous les retrouvez à tous les degrés chez les Musulmans de l’Algérie et de la Tunisie. Vous savez tous, de même, ce qu’est le fellah d’Égypte, et le patient labeur au prix duquel il a développé la fertilité de l’admirable vallée du Nil. Et voici qu’aujourd’hui apparaît en Orient, sous la direction du véritable homme d’État qui s’est révélé en Mustapha Kemal, un effort de restauration nationale, de construction et d’organisation auquel vont nos ardentes sympathies1.
Il n’est pas inopportun que l’écho en parvienne là-bas où sont forcément parvenus d’autres échos. Qu’on y sache que nous n’admettons pas comme faits acquis de véritables erreurs historiques, et que, mettant notre honneur, consacrant tous nos efforts ~ faire aboutir l’œuvre de paix à laquelle le monde aspire, nous ne pouvons que déplorer toute parole qui risque d’en compromettre ou d’en retarder la réalisation.
      Je m’arrête ici. J’ai simplement voulu indiquer — très imparfaitement et je m’en excuse — que la France, libérale, ordonnée, laborieuse, l’Islam rénové et rajeuni, m’apparaissent comme deux forces, deux grandes et nobles forces, dont l’union, ne poursuivant ni la violence, ni la destruction, ni la domination, mais l’ordre, le respect de leurs revendications légitimes, l’intégrité de leurs territoires nationaux, la tolérance pour toutes les croyances et toutes les convictions, doit être un facteur prépondérant pour la paix du Monde. Et c’est dans cette pensée que je prie Son Excellence le Grand-Vizir de l’Empire chérifien et les représentants des nationalités musulmanes de donner le premier coup de pioche de la fondation de ce Mihrab, d’où monteront des cœurs de nos amis musulmans, comme des sanctuaires chrétiens voisins, d’ardentes prières vers le Dieu unique pour qu’il répande sur le monde la concorde et la paix. 
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1 Lyautey a choisi de publier le texte de ce discours dans un ouvrage paru en 1927 « Paroles d’Action » qui est une sorte de recueil de messages à transmettre à la postérité. Il a ajouté au texte de son discours le renvoi suivant : 
« Le Gouvernement d’Angora (Ankara) avait eu, à ses débuts, toutes les sympathies de l’élite musulmane du Maroc et je m’en faisais là l’écho, en présence des représentants de cette élite. Mais il n’en alla plus de même dès qu’on vit ce régime prendre un caractère si nettement opposé au culte religieux, aux coutumes traditionnelles, auxquels les Marocains restaient si fermement attachés. »
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Une fois terminée, la mosquée fut inaugurée et civilement le 15 juillet 1926, en présence du Président de la République Gaston Doumergue et du Sultan du Maroc Moulay Youssef. L’inauguration religieuse de la mosquée de Paris eut lieu le lendemain vendredi 16 juillet par le Sultan Moulay Youssef, Commandeur des croyants en tant que Souverain du Maroc.

Il faut noter que le Maréchal Lyautey n’avait pas été invité par le gouvernement de la République à l’inauguration de la mosquée. Évincé du Maroc dans des conditions humiliantes, neuf mois plus tôt, par le cartel des gauches, il subissait ainsi un nouvel affront du gouvernement français. 

Deux jours plus tard, le 18 juillet, comme pour désapprouver ce procédé sectaire à l’égard de celui que certains appelaient le « Maréchal de l’Islam », le Sultan Moulay Youssef rendait visite au Maréchal Lyautey dans son château de Thorey, près de Nancy, où il reçut un accueil à la fois solennel et amical.

Trois mois plus tard, Lyautey devait assister à une cérémonie qui lui tenait à cœur, puisqu’il devait y honorer son ami Joseph Chailley-Bert. Apprenant la présence du Président Doumergue, il écrivait à son ami :
« Le Président de la République ! Il me va donc falloir rencontrer ce personnage, lequel, depuis un an, a ignoré mon existence, n’a même pas répondu à la démarche de politesse que j’avais faite auprès de lui, le 1er janvier, n’a pas daigné envoyer un de ses officiers prendre de mes nouvelles, de moi, Maréchal de France, à la clinique, lors de mon opération en avril, alors que tout le Paris qui compte y est accouru, n’a pas eu l’idée de m’inviter à quoi que ce soit lors du voyage du Sultan et n’a même pas prononcé mon nom dans son discours à la mosquée, où il a célébré l’œuvre de la France au Maroc, où, pour lui, comme pour d’autres gouvernants, je ne suis jamais allé. J’ai pour sa lâcheté et sa veulerie le plus absolu mépris. »

La politique musulmane de Lyautey au Maroc

Communication faite le 10 novembre 2006 au COLLOQUE « LYAUTEY », par le Professeur Jamaâ BAÏDA, Université Mohammed V-Agdal, Faculté des Lettres & Sciences Humaines, Rabat – MAROC.
  
S’il est une personnalité française qui a marqué le Maroc contemporain, une personnalité française dont l’empreinte est jusqu’à aujourd’hui fort présente dans la mémoire collective des Marocains, dans les manuels scolaires de leurs enfants, dans leur patrimoine architectural et historique, dans les cérémonials politiques de leurs dirigeants, dans les symboles mêmes de leur État…c’est bien Louis Hubert LYAUTEY, premier Résident général de France au Maroc entre 1912 et 1925. Faut-il rappeler, en guise d’illustration, que le choix de la ville de Rabat comme capitale du pays (au lieu de Fès) est l’œuvre de Lyautey, que l’actuel drapeau du Maroc est également l’œuvre de Lyautey ?  

La pérennité des choix de Lyautey est due en premier lieu à ce qu’on appelait alors communément « la politique indigène » de Lyautey. Or, la pierre angulaire de cet édifice est bien ce que Lyautey a appelé lui-même « sa » politique musulmane ; une politique dont il avait soigneusement tissé les fils des années durant, qu’il perfectionnait à merveille, qu’il s’efforçait de protéger des immixtions étrangères, fussent-elles de ses supérieurs hiérarchiques au gouvernement français. C’est lui-même qui écrivit un jour :  
 « Je n’ai tenu le Maroc que par ma politique musulmane. Je suis sûr qu’elle est la bonne et je demande instamment que personne ne vienne gâcher mon jeu »1
  
Quels étaient les fondements et les manifestations de cette politique musulmane ? Quels étaient ses sympathisants et ses détracteurs ? Quel sort lui ont réservé les successeurs de Lyautey à la Résidence de Rabat ? Ce sont là quelques questions, parmi d’autres, auxquelles nous allons essayer de répondre pour mieux comprendre cette politique dite musulmane…et par la même occasion mieux connaître son artisan, Lyautey, un homme politique hors du commun.

Dans la politique musulmane de Lyautey, il y a très certainement, des idées de Gallieni selon lesquelles il fallait gouverner en utilisant les compétences officielles des autochtones et en sauvegardant leurs institutions. Ayant servi sous son commandement au Tonkin et à Madagascar, Lyautey s’est imprégné de ces idées qu’il a fallu, après 1912, adapter au cas marocain.

Dans la politique musulmane de Lyautey, il y avait aussi toute son expérience longuement mûrie en Algérie et aux confins algéro-marocains. Son contact avec les tribus pendant la période d’infiltration dans l’Oriental selon le procédé dit de « tache d’huile », l’avait convaincu de la nécessité au Maroc d’une politique française forcément différente de celle suivie alors en Algérie.  

Les sanglants événements de Fès en avril 1912, au lendemain desquels Lyautey avait été nommé Résident général de France au Maroc, avait renforcé les convictions coloniales de Lyautey qui avaient d’ailleurs une base légale dans le traité du Protectorat (30 mars 1912) qui stipule dans son article 1er que le régime instauré au Maroc « sauvegardera la situation religieuse, le respect et le prestige traditionnel du Sultan, l’exercice de la religion musulmane et les institutions religieuses, notamment celles des Habous ».   
  
Réalisant qu’il était quasiment impossible de mener sa politique avec un Sultan aussi peu docile que Moulay Abdelhafid, Lyautey le fit remplacer par son frère Moulay Youssef en août 1912 en respectant les formes traditionnelles de la bai’a que ce changement nécessitait…et la voie était désormais libre pour entamer l’œuvre de Lyautey au Maroc. Pour ce faire, il s’entoura de collaborateurs de talent qui avaient une connaissance précieuse des pays et des hommes, tels que Kaddour ben Ghabrit, Michaux-Belllaire, le colonel Berriau, Justinard, Simon et bien d’autres…  

Par la politique des égards envers la monarchie, voire la restauration de celle-ci, Lyautey entendait donner l’impression aux Marocains qu’ils n’étaient pas en train de vivre avec la présence française une rupture totale avec leurs traditions. Le Sultanat était là comme garant de la continuité. Toute la politique du Protectorat allait désormais être conduite au nom du monarque, Amir Al Mouminin (Commandeur des Croyants). Et comme le risque était grand de voir l’image de Moulay Youssef ternie par cette étroite collaboration avec l’occupation « chrétienne », il fallait à tout prix amener les Marocains à ne pas voir sur le trône un simple sultan de « façade », un sultan des « roumis » (Moulay Abdelaziz en a déjà fait les frais quelques années auparavant). C’est pourquoi Lyautey entoura d’égards Moulay Youssef et se présenta même comme son « premier serviteur ». Lors d’un dîner offert aux notables marocains à la Résidence de Rabat, le 28 septembre 1917, à l’occasion de l’Aïd el Kébir, Lyautey déclara :  

« Tout en représentant ici le Gouvernement de la France, je m’honore d’y être le premier serviteur de Sidna [Monseigneur]. Vous savez tous les sentiments de respectueux attachement que je Lui porte, non seulement qu’ils sont dus à Sa personne sacrée, mais parce que je trouve en Lui l’appui le plus constant, les conseils les plus judicieux, un amour de Ses peuples et un sentiment de la justice qu’on ne peut qu’admirer, et aussi le plus vif désir de voir Son Empire se développer dans l’ordre, dans la paix et dans le progrès »2.  

L’attachement au Sultan, au risque de donner l’impression que le représentant de la république française laïque était en train de restaurer au Maroc un régime monarchique à essence théocratique, était une opération politique assez claire dans l’esprit de Lyautey ; bien que certains n’ont pas manqué d’y voir l’expression à peine déguisée de ses sentiments monarchistes refoulés. Dans une lettre au président du Conseil, ministre des Affaires Étrangères, en date du 29 octobre 1924, Lyautey s’explique :  


« Notre base la plus solide, c’est (et je crois que cela saute aux yeux avec une évidence incontestable) de nous appuyer plus que jamais sur l’autorité du Sultan et sur tous les principes traditionnels auxquels la masse des Marocains de notre zone reste encore fidèlement attachée ».  

Comme la personnalité du Sultan était indissociable de l’Islam, le Résident général s’appliquait à témoigner à la religion musulmane, aux Ouléma-s, aux institutions religieuses comme les Habous, la plus grande révérence. Cette politique s’était avérée d’une très grande utilité pendant la Première Guerre Mondiale lorsqu’il fallait faire face à la politique musulmane de l’Allemagne qui s’était infiltrée au Maroc par le truchement de la Turquie ottomane et de ses partisans de tous bords. Lyautey n’avait alors pas hésité à faire promulguer par les plus illustres ouléma-s marocains, tels que Bouchaïb Doukkali, Ahmed Ben Al Mawwaz ou Abdelhaï El Kettani, des Fetwa-s (consultations rendues par les théologiens) qui avaient pour objet le dénigrement systématique du Khalifa ottoman. Lyautey était même allé jusqu’à présenter Moulay Youssef, « descendant direct du Prophète Mohammed », comme alternative. C’était là un projet paradoxal éphémère lié au contexte particulier de la Grande Guerre ; car Lyautey n’avait cessé, en d’autres occasions, de souligner la spécificité marocaine, « l’autonomie religieuse du Maroc sous l’autorité sauvegardée de son propre Commandeur des Croyants » (Discours, en avril 1923).  

Le premier serviteur de Sidna a donc multiplié les gestes censés plaire aux musulmans, en particulier à l’élite composée de bénéficiaires des habous, des Ouléma-s de l’université al-Qarawiyyine, des chefs de confréries, etc.   
C’est sous cet angle qu’il faut lire le dahir de 1914 relatif à l’expropriation pour utilité publique ; son article 7 a pris le soin d’épargner les mosquées, les sanctuaires et les cimetières musulmans. C’est également sous le même angle qu’il faut interpréter l’interdiction faite par Lyautey aux missionnaires chrétiens de s’adonner à tout prosélytisme en milieu musulman. Les rédacteurs de la revue franciscaine “Le Maroc Catholique” eurent du mal à comprendre et à accepter cette interdiction contraire à leur désir impatient de semer à travers le bled berbère « la bonne parole ». Enfin, il faut signaler, dans le même ordre d’idées, l’opposition farouche de Lyautey à la propagande sioniste au Maroc et à la collecte de fonds en faveur de Foyer National Juif en Palestine au lendemain de la déclaration de Balfour (1917). Il a fallu attendre la fin du proconsulat de Lyautey pour que soit autorisée à Casablanca la parution de la revue sioniste L’Avenir Illustré (1926) et pour que soit tolérée l’organisation d’une journée Chekel au Maroc pour collecter des fonds de soutien au projet sioniste en Palestine. C’est que de telles activités, souvent menées par des activistes étrangers au Maroc, étaient susceptibles, selon Lyautey, de heurter la sensibilité de la majorité musulmane et d’engendrer des problèmes intercommunautaires nuisibles à la présence française. Elles pouvaient également avoir pour conséquence de jeter l’élite musulmane dans les bras du panislamisme oriental alors en pleine effervescence. Par sa politique musulmane au Maroc, Lyautey espérait faire contrepoids à l’Islam oriental, à ses yeux un peu trop politisés. Or, l’Islam de l’occident musulman, c’était aussi, pour Lyautey, l’Islam de France qui vit un de ses jalons symboliques posé par l’édification de la mosquée de Paris ; une sorte de geste de reconnaissance envers ces nombreux musulmans qui ont fait tant de sacrifices pour la France pendant la Guerre 1914-18. Lyautey ne pouvait manquer pareille occasion en parfaite concordance avec sa politique musulmane au Maroc. En présidant à Paris, le 19 octobre 1922, la cérémonie de début des travaux du Mihrab de la mosquée, le Maréchal profita de l’occasion pour développer ses idées sur sa politique religieuse. Il mit particulièrement l’accent sur la cohabitation possible et souhaitable entre l’Islam et le Christianisme en rappelant des paroles que Maurice Colrat ( futur ministre de la Justice) avait prononcé quelque temps auparavant (il était alors secrétaire d’État à la Présidence du Conseil) lors de la cérémonie de l’orientation de la même mosquée :  
« Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l’Ile-de-France qu’une prière de plus, dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses »
Sensible à la valeur symbolique des rituels religieux, Lyautey refusa de donner personnellement le coup de pioche du lancement des travaux ; par son sens des égards, il en laissa le soin et l’honneur à des personnalités musulmanes. Ce sens aigu des symboles, très bien perçu par les musulmans du Maroc, on en eut quelques autres exemples significatifs en février 1923 à Fès. Lyautey étant terrassé par une violente hépatite, des prières pour sa guérison furent récitées, à la demande du Sultan, à travers le pays. Sa demeure à Fès a même été investie par les représentants de confréries et de corporations religieuses pour y implorer Allah pour le rétablissement du Maréchal. Touché par cette marque d’affection, Lyautey fit venir dans sa chambre l’Imam de la mosquée Moulay Driss qui apporta avec lui des cierges qu’il plaça près du lit du malade. Une fois rétabli, le résident se rendit à l’église catholique de Fès, puis au sanctuaire Moulay Driss. Par respect d’une tradition qu’il a lui-même imposé dès le début du Protectorat aux non-musulmans, il s’abstint de pénétrer dans le Horm, c’est-à-dire dans la pièce abritant la tombe du Saint ; privilège laissé aux seuls musulmans :
« J’ai toujours interdit aux Européens de pénétrer dans vos mosquées. Ne me faites pas violer la règle que j’ai moi-même établie. Vous seriez amenés par la suite à tolérer, pour d’autres, ce que vous me demandez aujourd’hui de faire »4.  

Il faudrait peut-être mentionner ici que la politique musulmane de Lyautey a fini par répandre au Maroc une rumeur selon laquelle le Résident général aurait embrassé l’Islam. Un écho de cette rumeur est relaté dans un petit livre que Didier Madras a consacré à Lyautey. Il raconte que lors d’une réception à la Résidence de Rabat, un caïd avait remarqué que le mur du salon était orné par un morceau d’étoffe de la Kaaba, qu’un pèlerin marocain avait offert au Résident après son retour de la Mecque. Le notable commente ce détail en confiant à son compagnon : « Si on a offert un morceau de tapis au Général, c’est parce qu’il est musulman comme nous ; seulement il ne peut pas le dire à cause de son gouvernement ».  La déduction trop hâtive du caïd marocain n’a de valeur que dans la mesure où elle reflète une rumeur qui s’était propagée dans certains milieux musulmans comme conséquence de la politique marocaine de Lyautey. Certes, cette rumeur ne pouvait qu’amuser le Résident qui faisait tout pour soigner son image auprès de l’opinion autochtone.   

Les canaux et les moyens de cette propagande étaient divers et je n’en mentionnerai que celui qui avait pour cible les lettrés musulmans ; il s’agit du journal Essaâda (la Félicité).  C’est un journal de langue arabe fondé à Tanger depuis octobre 1904. En 1913, après avoir érigé Rabat en capitale, Lyautey fit transférer Essaâda auprès de la Résidence générale pour mieux refléter les orientations officielles. En l’absence d’autres journaux arabes pouvant le concurrencer, Essaâda propagea efficacement, avec un dosage méticuleux, les principes et les manifestations de la politique lyautéenne auprès des lecteurs. Des lettrés marocains de renom, tels les historiens Boujandar et Benzidane, prirent part à cet effort.  
En 1925, c’est le rédacteur en chef d’Essaâda, Ali Trabelsi, qui regroupa et publia, avec l’assentiment et les encouragements de Lyautey, à l’Imprimerie officielle du Gouvernement chérifien, un ouvrage de 198 pages, comprenant un corpus d’allocutions de Lyautey qui reflètent le mieux sa politique musulmane au Maroc ; discours suivis de quelques poèmes faisant l’éloge du Maréchal. Le livre en question porte un titre en prose soutenue : « Le collier des perles : discours de politique indigène de Monsieur le Maréchal Lyautey ».
  
L’indigénophilie ou l’islamophilie de Lyautey n’était pas du goût de tout le monde, surtout pas d’une certaine presse casablancaise à l’accent algérianiste. Elle fustigea sans ménagement la politique des  » Bosquets sacrés » (la Résidence) et dénonça ce qu’elle appelait « la fiction du Sultan » ou encore la « république chérifienne ». Lorsqu’un dahir de janvier 1919 vint ouvrir des sections « indigènes » au sein des chambres professionnelles, les colons s’en émurent et leur presse qualifia les Marocains de Béni-oui-oui serviles. Par ailleurs, cette même presse n’avait cessé de dénoncer ce qu’elle considérait dans la politique de Lyautey comme une tendance incompatible avec les idéaux de la République française. À ce propos, et pour ne citer qu’un exemple, Christian Houel écrivit : « […] les Protectorats sont des déguisements qui doivent avoir fait leur temps.  Ou tout l’un ou tout l’autre.  Ou le Sultan sans fonctionnaires, ou les fonctionnaires sans Sultan. Il nous faut, en effet, une administration responsable et non couverte par une immunité chérifienne inaccessible et perpétuelle. Il n’y a pas de question indigène qui puisse changer le dilemme.  
Les Marocains s’étant toujours peu souciés de leur Sidna, s’en soucient encore moins aujourd’hui qu’il est l’obligé des chrétiens […] »5.  

En fait, pour Houel et bien d’autres colons, il fallait appliquer au Maroc le même régime colonial qu’en Algérie voisine. Or, il y avait dans le corps administratif de la Résidence de chauds partisans de cette option qui allait à l’encontre de l’esprit du traité de Fès (1912). Lyautey en avait conscience, d’où sa fameuse circulaire dite de « coup de barre » (novembre 1920) qui rappelait aux proches collaborateurs et aux hauts fonctionnaires que seules l’administration indirecte et la politique des égards envers les autochtones et leurs institutions pouvaient assurer à la présence française au Maroc une certaine longévité et le respect des Marocains. La circulaire en question n’a pas été prise en compte par l’administration coloniale. Après le départ de Lyautey, tous ses successeurs se voulaient officiellement Lyautéens, mais très peu parmi eux avaient réellement assimilé ses principes ou voulu en faire leur politique. Au crépuscule de la présence française au Maroc, alors que la crise franco-marocaine faisait rage, le journal libéral Maroc-Presse se souvint tout d’un coup de la circulaire de Lyautey et en publia le texte. Dans son dernier numéro, le 30 avril 1956, il tint à souligner qu’il s’était toujours inspiré, dans son combat libéral de la notion lyautéenne du Protectorat ; c’est-à-dire un régime devant impérativement évoluer pour aboutir à l’émancipation du peuple marocain. On retrouvera ce document in extenso dans les annexes de l’ouvrage de Hassan II, Le Défi…chose qui doit avoir un sens !

Pour conclure cet exposé, j’aimerais citer quelques mots prononcés par Lyautey, le 19 décembre 1918, aux obsèques du colonel Berriau, l’un des inspirateurs de sa politique musulmane :
 « J’ai lu quelque part qu’il n’y a pas d’œuvre humaine qui, pour être vraiment grande, n’ait besoin d’une parcelle d’amour. Eh bien, cette parcelle d’amour- et plus qu’une parcelle, c’est ce qu’il avait mis dans son œuvre, et c’est pourquoi il fut un des grands- peut être le plus grand manieur de politique musulmane que nous eussions aujourd’hui dans l’Afrique du Nord ».6 Ces paroles, en hommage à Berriau, s’appliquent parfaitement à leur auteur, à Lyautey, surnommé parfois le « Maréchal de l’Islam ».

Avant de mourir en juillet 1934 et de quitter à jamais son salon marocain du château de Thorey,-Lyautey avait pris soin (dès février 1933) de dessiner le croquis du Mausolée qui allait abriter sa dépouille après sa mort à Rabat, comme il avait écrit l’épitaphe qui allait orner son tombeau, un texte qui montre bien que dans sa politique musulmane il y avait bien une parcelle d’amour pour un pays et un peuple :
« Ici repose Louis Hubert Gonzalve Lyautey, qui fut le premier résident Général de France au Maroc (1912-1925),
Décédé dans la religion catholique dont il reçut en pleine foi les derniers sacrements.
Profondément respectueux des traditions ancestrales et de la religion musulmane gardée et pratiquée par les habitants du Moghreb auprès desquels il a voulu reposer en cette terre qu’il a tant aimée.
Dieu ait son âme en sa paix éternelle ».
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(1) Cité par Daniel Rivet- Lyautey et l’institution du Protectorat français au Maroc, 1912-1925 ; Ed. L’Harmattan, Paris, T. II, 1988, p. 122.
(2) Lyautey, Paroles d’action ; Ed. De La Porte, Rabat, 1995, p. 276-277
(3) Lyautey, Paroles d’action ; op. cit.,  p. 416
(4) Didier MADRAS- Dans l’ombre de Lyautey…p. 89
 (5) L’Action Marocaine, 21 septembre 1919. Cf. Jamaâ BAIDA- La presse marocaine d’expression française, des origines à 1956 ; Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Rabat, 1996, p. 110-113 : 
(6) Lyautey, Paroles d’action, op.cit., p. 312.

Entre 1920 et 1923 Lyautey avait incité les gouvernements à développer en Méditerranée une politique musulmane d’envergure.

Ce visionnaire des relations à instaurer avec le Maghreb et au-delà, dans une lettre du 22 janvier 1922 adressée au Président de le République Raymond Poincaré plaidait pour une “Fédération franco-musulmane des Pays de la Méditerranée entre Gibraltar et Bosphore”, un projet qui avait devancé les tentatives récentes mais plus délicates dans ce sens.