Lyautey et la jeunesse

Le 18 février 1934, au lendemain de la tragique journée du 6 février, le Maréchal LYAUTEY préside la séance de gala commune aux trois Fédérations du Scoutisme français dont il est le Président d’Honneur. Le temps fort en est la conférence : « Rêves sous la tente : Chez les scouts » par Lucien Goualle, secrétaire général des Scouts de France.
Avant de passer la parole au commandant L’Hôpital, commissaire général des Scouts de France, pour présenter le conférencier, le Maréchal Lyautey a prononcé l’allocution suivante :

Allocution du Maréchal LYAUTEY, de l’Académie française

Vous avez bien voulu me faire l’honneur de me demander de présider cette séance………
II y a, en France, trois Fédérations de Scouts, qui sont : les Scouts de France (c’est celle qui a organisé aujourd’hui cette conférence), présidée par le général de Salins, qui a pour précieux auxiliaire M. le chanoine Cornette, aumônier de la Fédération ; les Éclaireurs Unionistes, Fédération présidée par M. de Witt-Guizot, qui n’a pu venir, mais qui est représenté par un de ses délégués ; enfin, la troisième Fédération, celle des Éclaireurs de France, présidée par M. le directeur de l’école des Roches, M. Bertier, ici présent.

Le jour où, il y a bien des années, une de ces Fédérations a bien voulu me demander d’être son président d’honneur, j’ai subordonné mon acceptation à la possibilité de pouvoir les présider toutes les trois, condition à laquelle les deux autres ont bien voulu acquiescer avec un empressement qui m’a vivement touché : j’estimais, en effet, que si l’indépendance de chacune d’elles devait être légitimement sauvegardée, pour des motifs d’ordre confessionnel, d’ordre social, d’ordre régional, elles ont toutes le même but : servir la patrie, servir Dieu et servir le prochain.

J’ai demandé que la présidence effective de la réunion d’aujourd’hui fût assurée par le commandant L’Hôpital, commissaire général des Scouts de France. Et, certes, vous serez tous heureux de lui adresser votre salut, puisqu’il est un de ceux qui, à la tête des Anciens Combattants, a été glorieusement blessé, le 6 février, en cette journée tragique et sanglante du 6 février, douloureuse, certes, à cause des deuils que nous avons eu à déplorer, mais qui n’en est pas moins la grande journée libératrice.

Le 5 février au soir, devant l’anarchie et le désordre montants, on en était à se demander s’il n’allait pas être douloureux d’être Français. Le 6 au soir, on se retrouvait fier d’être Français. La France d’ordre s’était réveillée. Tous, anciens combattants, groupements de jeunes, ligues, sans s’être concertés, s’étaient spontanément trouvés côte à côte pour manifester avec autant d’héroïsme que de désintéressement leur horreur du désordre et leur volonté que « cela change ».

Ce fut dans tout le pays la grande impression de soulagement et de détente, et, à l’étranger, j’en ai le témoignage, le sentiment que la France d’ordre s’était retrouvée. Et, maintenant, je laisse la parole au commandant L’Hôpital. (Longs et enthousiastes applaudissements.)